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Le Giro vu de mon canapé (2018)
9 mai 2018

Quatrième étape : Catania - Caltagirone (202km) Voir la Sicile et y revenir

VOIR LA SICILE ET Y REVENIR

 

Tout comme moi, beaucoup ont dû être surpris par les images de la RAI aujourd’hui. La course visitait les environs de Catane, allait se perdre dans la campagne sicilienne, une campagne que nous avions parcourue à l’été 2012. Les champs de pierres gorgés d’un soleil africain s’étendaient à perte de vue, la terre était terne, d’un beige pastel, les rares arbres offraient un maigre coin d’ombre aux chèvres faméliques, les épis de blé déjà fauchés s’accrochaient sur le sol asséché, donnant un teint jaunâtre au paysage. Ca et là, comme perdu en plein désert, une grande bâtisse isolée, entourée par quelques cactus rappelait la présence humaine. Séparés par de larges vallons, les villages se pointaient au sommet d’éperons rocheux, les maisons s’agglutinant les unes aux autres, dévalant les escarpements, dominés par les hauts clochers des églises, formant de pittoresques centres urbains. Cette terre d’une dureté invraisemblable nous offrait un spectacle fascinant, d’une beauté brute.

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Alors que le peloton commençait à lézarder sur les routes sinueuses en forme de montagnes russes, les images de la télévision nous montraient un tout autre paysage que celui que j’avais connu en été. Voilà que les terres dépouillées étaient recouvertes d’un manteau de verdure. Ces coins de savane s’étaient transformés en vastes espaces aux couleurs de l’Irlande. On découvrait sur les images une Sicile verte, radieuse, riante. Une Sicile d’une douceur toscane. La Sicile possède le talent d’un transformiste, réussit des tours de magie, fait disparaître dans son chapeau ses clichés sombres. Il faut pénétrer dans ses villages suspendus, se perdre dans leurs ruelles; flâner sur une des petites places surveillée par la façade s’une église baroque; se réveiller d’un café ristretto, qu’on pourrait servir dans une cuillère à café, mais qui reste ne bouche toute la matinée;  fondre de bonheur en se délectant d’une granità aux amandes, ces délicieuses glaces pilées dont les siciliens gardent jalousement les secrets de fabrication; écouter le silence du midi avec son murmure des cuisines qui vient légèrement troubler la quiétude de la rue, comme si on nous susurrait une fabuleuse histoire au creux de l’oreille ; oublier toutes règles de conduite quand la ville se met à bouger en fin d’après-midi, quand les températures baissent légèrement; sentir le vacarme des scooters s’épaissir à la nuit tombée, certains n’hésitant pas à monter en famille sur l’étroite selle, un casque pour quatre, c’est bien suffisant ; voir les habitants de tout âge se mêler dans un joyeux brouhaha, habillés comme pour un mariage, parce qu’en Sicile l’apparence est encore quelque chose qui compte énormément ; il faut pénétrer et rester une journée dans ses villages et ses villes pour tomber amoureux de cette terre, peu importe d’où l’on vient et où l’on va, on sait qu’on y reviendra. Enfin, il faut absolument participer aux fêtes siciliennes, quand on sort la statue de la Sainte dans les rues, quand on promène les reliques d’un Saint de la ville pour que chaque citoyen puisse sentir le lien qui les unit. Nous étions à Caltagirone, arrivée d’étape aujourd’hui, pour la San Giacomo, la fête du saint Patron de la ville. C’est un spectacle à ne pas manquer, baroque au possible, tellement anachronique, un peu comme les grandes processions qu’on peut voir en Espagne. Les reliques de Saint Jacques sont exposées aux habitants, faisant le tour de la ville sur un lourd autel porté par les hommes des différentes corporations de métiers.  La ville est dotée d’un immense escalier en céramique polychrome reliant la ville haute à la ville basse, qu’on illumine lors de cette fête avec de bougies, créant des dessins géométriques.

 

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Caltagirone comme beaucoup de villes de la région, est de fondation arabe, la forteresse de Cal’at Ghiran. La Sicile a toujours été une terre sous domination étrangère. Les colons laissant chacun leur empreinte dans le paysage urbain, les châteaux et autres forteresses. Un terrifiant tremblement de terre rasa littéralement toute la province, en 1693. Les villes étaient à terre, on reconstruisit à la mode de l’époque, un baroque tardif, qui vaut désormais à la plupart des cités le titre de Patrimoine Mondial de l’Unesco. Cela vaut aussi pour Caltagirone, et cette distinction n’est pas usurpée.

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De tremblement de terre, il n’y eu pas hier. Le parcours proposait tout de même plus de 3 000m de dénivelé, certes sans grands cols ou fortes montées. Ces difficultés pèseront lourd en dernière semaine, elles seront inscrites dans la chair des coureurs. Les coéquipiers de Fabio Aru ont bien tenté de faire exploser tout ça, à cent kilomètres de l’arrivée, sans parvenir à écarter qui que ce soit. Une belle tentative dont il faut saluer l’audace, même si les chances de réussite était bien maigre.

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Le peloton égrenait les villes baroques classées par l’UNESCO, dès le départ de Catane le ton culturel était donné, et si Israël nous avait étonné par son ferveur populaire, la Sicile n’était pas en reste. Les coureurs passaient parfois entre des haies de spectateurs aux pieds d’églises de toute beauté.

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Pas de grand tremblement de terre, pour preuve, Rohan Dennis a conservé sa seconde d’avance sur Tom Dumoulin, les principaux leaders finissant tous dans le haut du paquet. Les principaux, sauf Chris Froome,  qui ne semble pas au mieux sur ce début de Giro, chute oblige ? Il à lâché une poignée de secondes sur cette arrivée qui ressemblait , fortement à une Classique. Un mur d’un km avec des passages à 13%. De quoi ravir les fans des Ardennaises et leurs côtes abruptes. A ce jeu là, Tim Wellens, belge de nationalité, tiens tiens, a empoché le bouquet. Tout en puissance, il s’est arraché pour devancer un peloton morcelé, des coureurs arrivant un par un, à la queue leu leu. L’Etna que l’on gravira jeudi donnera plus d’enseignements, et peut-être déjà quelques écarts (même si l’an dernier il n’avait rien dit de concret, la montagne accouchant d’un souris). Je m’étonne des résultats de Pozzovivo, sans doute dans la forme de sa vie ; j’ai un œil bienveillant sur Davide Formolo, le très jeune leader de  Bora, dixième l’an dernier et qui veut progresser, 6ème sur une telle arrivée, ce n’est pas anodin ; Pinot reste très concentré et il termine avec les leaders qu’il se doit de surveiller ; Fabio Aru, même si dans une moindre mesure que Froome ne paraît pas au pic de sa forme, il s’agit peut-être d’une autre approche, il peine généralement en troisième semaine, on va éventuellement le retrouver virevoltant dans les Alpes ; et si Rohan Dennis, un peu à l’instar de Dumoulin l’année dernière allait nous étonner dans les grands cols ? Sa résistance tranquille sur cette côte peut le laisser imaginer ; et Tom Dumoulin ? Il nous fait du Dumoulin, facile et puissant, il attend son heure, pour moi il reste encore le favori numéro un, sans avoir eu besoin de sortir à découvert.

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